Quelques messages et lettres officiels relatifs à la guerre déclenchée le 01.10.1990 contre le Rwanda.
Lettre des Ministres issus du MRND adressée au Premier Ministre datée du 07.01.1993.
REPUBLIQUE RWANDAISE
Kigali, le 7 janvier 1993
Groupe des Ministres issus
du M. R. N. D.
Son Excellence Monsieur le
Premier Minitre
K I G A L I
Objet : Négociations d'Arusha
Monsieur le Premier Ministre!
Par la voix des ondes, nous apprenons avec consternation que le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération serait,
d'entente avec Vous, sur le point de signer aujourd'hui avec le F.P.R., l'accord sanctionnant les négociations d'ARUSHA III bis.
Face à cette situation pour le moins inacceptable, Nous, les signataires de la présente, en notre qualité de Membre du
Gouvernement, tenons à tirer votre attention sur les anomalies tant de forme que de fond qui entachent la présente phase des
négociations.
De prime abord, à l'ouverture des travaux de cette phase, vous avez tout fait pour faire croire à l'opinion que la délégation
rwandaise était porteuse d'un mandat du Gouvernement, alors qu'il n'en fut rien. Vous avez préféré éviter le débat au Conseil des
Ministres et demandé au Ministre d'agir selon sa conscience comme si ses positions n'engageaient que lui-même.
Ce que vous appelez les conclusions du conseil des Ministres, relatives à cette phase des négociations n'est rien d'autre que
le point de vue d'un groupe de 7 Ministres sur les 19 composant le Gouvernement actuel. La recherche du consensus avec toutes les
sensibilités politiques composant le Gouvernement actuel ne semble pas à ce jour vous intéresser.
Malgré notre insistance, les incohérences de ces conclusions n'ont pas pu être redressées car, chaque fois qu'appel vous était
lancé, pour examiner la question des négociations d'ARUSHA en conseil des Ministres, vous avez toujours trouvé des échappatoires
pour vous y soustraire. Tantôt vous inscrivez cette question combien importante au chapitre des Divers, pour terminer la séance
sans l'aborder.
Aujourd'hui, cela fait plus d'un mois que les négociations sont en cours et à aucun moment, le Gouvernement n'a jamais été
informé sur l'évolution des travaux d'ARUSHA bis, pour en connaître la substance et donner éventuellement les orientations
nécessaires.
En réalité, il est aujourd'hui clair que les manœuvres précitées couvraient une complicité entre vous-même le Premier Ministre
et le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, issu de votre Parti, pour en tirer des avantages partisans, au mépris
de la recherche du consensus tant au sein du Gouvernement qu'au niveau national, consensus pourtant encouragé par tant de
facilitateurs dont notamment le Comité de Contacts des Eglises du Rwanda.
Toujours selon des informations qui nous parviennent, l'accord en voie de signature ne tient même pas compte des précédentes
phases des négociations.
Ainsi, alors que l'article 14 du Protocole d'accord du 31/10/1992 entre le Gouvernement Rwandais et le Front Patriotique
Rwandais stipule que "les Partis politiques participant au Gouvernement de coalition mis en place le 16/04/1992 ainsi que le
Front Patriotique Rwandais ont la responsabilité de mettre en place le Gouvernement de Transition à base élargie ", nous apprenons
que les négociateurs d'Arusha se sont arrogés le droit de procéder au parage numérique et nominatif des portefeuilles ministériels.
Ni le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, ni même le Premier Ministre ne sont compétents pour une telle
négociation qui, suivant les dispositions dudit article 14 relève des partis représentés dans l'actuel gouvernement et le F.P.R.
A notre connaissance nous ne savons pas que les partis aient discuté de la répartition nominative et le Conseil des Ministres
au nom duquel le MINAFFET négocie en aurait été informé.
De plus, alors que dans l'intérêt de sauvegarder la paix intérieure et de donner à l'accord de paix, toutes les chances d'être
effectivement applicable, les négociateurs de la présente phase se sont permis de n'admettre aucun autre parti politique dans le
futur gouvernement, et cela au mépris du même article 14 qui précise que d'autres formations politiques peuvent entrer au
Gouvernement.
Il convient de rappeler que cette idée d'associer d'autres partis politiques dans le futur gouvernement de transition à base
élargie avait été relayée par le Comité de Contacts des Eglises ainsi que par le Président de la République dans son message
publié à l'issue de sa rencontre avec le Facilitateur, en date du 1er décembre 1992.
A considérer le contenu de l'accord annoncé par la Presse, l'on constate qu'il n'y a pas eu de négociations sérieuses entre
le Gouvernement Rwandais et le F.P.R. ou encore que le point de vue du Gouvernement Rwandais n'a jamais été pris en considération.
En effet, nous nous étonnons que les conclusions de cet accord correspondent étrangement aux propositions du F.P.R. contenues dans
son premier document de négociations et même avec une prime pour ce dernier.
A y voir de très près, les négociations d'Arusha ne sont rien d'autre qu'une suite logique de la rencontre à Bruxelles, du 29
mai au 03 juin 1992, entre les partis qui à l'occasion se sont constitués, Forces Démocratiques du Changement (M.D.R., P.S.D., P.L.)
et le F.P.R.
C'est à dire donc que l'accord qui serait conclu dans telles conditions ne mérite pas d'être appelé un accord entre le
gouvernement rwandais et le F.P.R., mais un accord entre les F.D.C. et le F.P.R., raison pour laquelle, nous, soussignés, Membres
du Gouvernement, nous le récusons, parce qu'il fait fi de l'impérieuse nécessité de rechercher un accord équilibré, le seul à même
de garantir le retour de la paix dans notre pays et la réconciliation du peuple rwandais avec lui-même.
Du reste, nous regrettons amèrement cette précipitation dans la signature d'un accord déjà contesté par une grande partie de
la population rwandaise et qui intervient au moment où des consultations suivent leur cours, tant à l'initiative des partis
politiques que par l'entremise des Eglises. Il vous souviendra que vous-même, Monsieur le Premier Ministre, vous avez participé
probablement en qualité de Vice-Président du M.D.R., à la réunion du 5 janvier 1993 où les membres du Comité de contacts ont
mené avec les Représentants des partis politiques, des discussions sur la distribution des portefeuilles du Gouvernement de
Transition à Base Elargie.
Les conclusions dégagées à l'issue de cette rencontre vous sont connues. Elles vous ont été transmises par la lettre vous
adressée le 6 janvier 1993 par Monseigneur Thaddée NSENGIYUMVA et le Pasteur Michel TWAGIRAYESU , respectivement Président de
la Conférence Episcopale du Rwanda et Président du Conseil Protestant du Rwanda, tous deux Co-présidents du Comité de Contacts.
Nous y relevons notamment la recommandation du Comité de Contacts d'ouvrir le Gouvernement de Transition à Base Elargie à
d'autres partis politiques qui ne sont pas dans le Gouvernement actuel et celle d'éviter toute forme d' "exclusivisme ", porteur
de gênes de nature à compromettre la paix recherchée pour notre pays.
En conclusion, Monsieur le Premier Ministre, dans l'intérêt supérieur de la Nation, vous ne devriez plus continuer à privilégier
les intérêts partisans dont le leitmotiv reste votre volonté de transférer le pouvoir pendant la transition par des voies
anti-démocratiques. Nous vous prions, en conséquence, en votre qualité de chef du Gouvernement, d'ordonner à la délégation
rwandaise à Arusha de surseoir à la signature de l'accord en vue et de vous employer à rechercher le consensus. Vous aurez
ainsi servi les intérêts du Pays.
Pour ce qui nous concerne et pour autant que vous teniez compte de cet appel, nous voudrions vous assurer de notre
disponibilité et de notre constante collaboration. Nous y croyons, car nous n'oserions à aucun moment croire qu'autrement,
vous puissiez prendre le risque d'endosser la responsabilité sur les conséquences d'un accord biaisé, source de conflits et
déchirements entre citoyens rwandais.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, les assurances de notre haute considération.
Les Ministres issus du Parti M.R.N.D.
C.P.I. à:
- Son Excellence Monsieur le Président de la République
K I G A L I
- Monsieur le Président du Conseil National de Développement
K I G A L I
- Monsieur le Ministre (Tous)
K I G A L I
- Monsieur le Président de Parti Politique (Tous)
K I G A L I