Quelques messages et lettres officiels relatifs à la guerre déclenchée le 01.10.1990 contre le Rwanda.
MESSAGE A LA NATION DU CHEF DE L'ETAT, LE 15 OCTOBRE 1990 A LA SUITE DE L'ATTAQUE PERPETREE CONTRE LE RWANDA (01/10/1990).
Rwandaises, Rwandais, Amis du Rwanda!
Notre Pays continue à faire face, avec courage et force, à l'attaque dont il a fait l'objet, depuis le 1er octobre passé, de
la part d'assaillants, fortement armés, en partie d'origine étrangère, venant de l'Ouganda et pour la plupart membres de l'armée
de libération ougandaise (NRA).
L'attaque dont nous avons été l'objet se situe, bien entendu, sur le plan militaire et celui de l'infiltration armée, mais
aussi sur d'autres plans, comme nous en avons fait l'amère expérience.
Permettez-moi, Militantes et Militants, Amis du Rwanda, de vous faire part de l'état de la situation concernant les multiples
dimensions de l'agression contre notre pays, le Rwanda.
Sur le front militaire et celui de l'infiltration dans notre pays de forces ennemies, les nouvelles aujourd'hui sont rassurantes.
En effet, l'infiltration d'assaillants et de rebelles dans la préfecture de Kigali est, à l'heure où je vous parle,
sous contrôle. Des caches d'armes déposées dans la capitale et ses environs par l'ennemi ont été saisies, et surtout la plupart
des infiltrés ont été repérés.
Dans ce succès, le dévouement de la population à la cause de la paix et de l'entente nationale a été exemplaire. Grâce à elle,
les forces de sécurité de notre pays ont été en mésure de remplir leur tâche
Nous devons, Militantes et Militants, la plus grande gratitude à notre population, toute acquise au maintien de la concorde et
de la paix nationale.
Mais il y a eu aussi, nous l'avons constaté avec colère et tristesse, au-delà de ce qui semblait raisonable, une espèce d'excès
de zèle, de la part de certains essayant de créer de la confusion, voulant se venger sur des gens dont l'enquête a rapidement révelé
qu'ils n'avaient rien à se reprocher.
Donc, sur le plan des infiltrations dans la région de Kigali, la situation apparaît sous contrôle. Mais l'ennemi étant ce qu'il
est, nous devons de garder une vigilance extrême, pas seulement dans les jours qui viennent, mais aussi dans les semaines et les
mois à venir.
Sur le front militaire qui continue à être celui au nord de notre pays, en particulier dans la région du Mutara, là aussi les
nouvelles deviennent meilleures; car nos forces armées, du moral élevé et de l'acharnement patriotique desquels nous ne pouvons
que nous féliciter, nous féliciter vivement, vivement, car nos forces armées résistent aux forces ennemies, remarquablement
approvisionnées comme nous le confirment des observateurs extérieurs, et appuyées par un bureau de recrutement, depuis le
territoire ougandais. Les combats parfois très violents ont eu lieu et continueront encore aussi longtemps que l'ennemi sera
encore à l'intérieur de nos frontières.
La Radio rwandaise continuera de vous informer, de la façon la plus objective et la plus sincère possible, du déroulement
des opérations militaires sur le front nord, afin que nous puissions tous suivre leur évolution.
Rwandaises, Rwandais, Amis du Rwanda!
L'agression contre notre pays n'est pas seulement d'ordre militaire. Elle se situe aussi sur le plan de la manipulation des
média internationaux et de la dés-information concernant les réalités vraies de la position rwandaise et celles de l'enjeu de
ces événements tragiques qui s'abattent sur notre pays.
Comme pour le lancement de l'attaque militaire de notre pays, lancement qui nous a pris au dépourvu - quand un détachement
militaire en uniformes a franchi le pont de Kagitumba et pris d'assaut notre poste frontalier, - comme pour l'attaque militaire,
donc, nous avons également été surpris par la violence des manipulations, préparées, comme nous le savons maintenant, préparées
depuis longtemps, de certains média occidentaux, et non des moindres, en essayant de tourner l'opinion mondiale contre notre pays.
Ainsi, Militantes et Militants, notre pays a fait l'objet, et continue à faire l'objet d'attaques et de calomnies, de mensonges
systématiques que nous ne pouvons que qualifier de diaboliques. Qui sont ces gens qui, sous prétexte de renverser notre gouvernement,
ont recours à cette campagne de salir notre pays?
Parfois, nous avons l'impression que n'importe quel individu peut dire n'importe quoi pour que cela soit reporté dans le monde
entier, sans vérification aucune, au mépris de ce que nous considérons comme ressortant de la plus élémentare déontologie.
Mais peut-être est ce ainsi que des choses fonctionnent. Nous ne pouvons que le déplorer.
Cette agression contre notre pays, contre sa réputation et contre ses acquis, sa volonté de progresser, cette désinformation
concernant la réalité rwandaise et l'enjeu véritable de ces événements, cette désinformation, Rwandaises Rwandais et Amis du Rwanda,
se situe à deux niveaux:
Elle a trait d'abord à la situation intérieure prévalant dans notre pays. Ainsi la quasi-totalité des informations concernant la
situation militaire et politique intérieure de notre pays, fournies aux média occidentaux par les agresseurs du Rwanda, qu'il agisse
des photomontages, d'interprétations purement tendencieuses d'événements qui parfois n'ont même pas eu lieu, de distorsions de la
vérité, semblent avoir été fabriquées ou conçues depuis longtemps, indépendamment de la réalité, mais en fonction d'un plan
d'intoxication systématique de l'opinion publique internationale.
Toutes celles et tous ceux qui connaissent moindrement le RWANDA, tous nos pays amis attachés à la sauvegarde de presque
trente ans d'acquis d'un développement authentique, d'une coopération sans faille, tous nos pays amis attachés à la paix et à
la stabilité de notre région, n'auront aucune peine à prouver que cette désinformation ne peut être que le produit, hélas,
d'une machination inqualifiable, et, pire, que cette désinformation est foncièrement contreproductive, qu'elle est contraire
aux intérêts bien compris de tout le monde.
Dans leurs efforts de discréditer notre pays, d'en donner une image grotesque, dans leur acharnement de faire du Rwanda une
caricature, alors que notre pays semble avoir si souvent été cité comme modèle, comme un pays à gestion sérieuse et responsable,
s'attachant avec toutes ses forces à un développement par tous partagé - ces gens que nous plaignons profondément, car ils ne
savaient pas à quel point ils font du tort à leur pays, à quel point ils risquent de l'aliéner la sympathie internationale, une
fois que leur système de mensonges et de pseudo-information aura été perçu à jour, ces gens aveuglés, par on ne sait pas trop
quoi, risquent de provoquer le chaos, ici dans notre pays, et dans notre région.
Au fond, leur aveuglement ne peut que conduire à faire embraser notre pays par une guerre civile, à précipiter dans le chaos
notre région, connue pour sa stabilité et l'entente cordiale régnant entre les peuples et leurs gouvernements.
Cet aveuglement ne rendrait-il pas impossible toute idée de partage dans la lutte pour un progrès toujours plus réel du Rwanda;
cet aveuglement ne rendrait-il pas impossible toute idée de négociation, toute idée de progrès réel, toute idée d'un développement
continu, toute idée de solution pour quoi que ce soit; ne rendrait-il pas impossible toute continuation de l'ouverture en profondeur, ouverture politique, ouverture économique, ouverture sociale, humaine, idéologique, dans lesquelles le peuple rwandais s'est résolument engagé depuis le 1er juillet 1987, et qu'il a concrétisées, qu'il va continuer à concrétiser par tant de preuves tangibles?
Que cette acharnement aveugle contre notre pays risque de rendre tout cela impossible, nous le regrettons profondément.
Nous le regrettons d'autant plus que rien ne satisferait davantage le peuple rwandais et son gouvernement que s'ils pouvaient
toujours plus, contribuer comme ils l'ont toujours fait, à résoudre tous les problèmes, certains tellement complexes, tous ces
problèmes qui risquent d'accabler notre pays et notre région.
Rien ne serait pourtant davantage dans la tradition de la politique rwandaise, de notre politique, à condition bien entendu,
que la paix sociale et la concorde nationales dont notre pays s'enorgueillit depuis dix-sept ans déjà soient renforcées.
Militantes et Militants!
Ecoutez-moi bien, ECOUTEZ -MOI BIEN!: l'ennemi qui accable notre pays, en y introduisant le feu et le sang ne cherche rien de
plus que de dresser les uns contre les autres, ne cherche rien de plus que de vouloir prouver que 17 ans de paix nationale ne
serait qu'une façade et qu'il serait facile de troubler l'entente ethnique régnant dans notre pays.
Nous devons, A TOUT PRIX, éviter de tomber dans ce piège infernal. Comme je vous l'ai dit, rien ne serait plus injuste, rien
ne serait plus délétère pour notre pays que si nous nous mettions à confondre les choses, et à considérer nos frères et nos soeurs,
de quelqu'ethnie qu'ils soient, comme responsables de l'agression armée contre notre pays.
Quelle que soit votre colère à l'égard de ces quelques traîtres s'étant joints aux rebelles, quelle que soit votre inquiétude
à l'égard des tentatives d'illuminés de vouloir réinstaurer dans notre pays un régime féodal d'un autre âge, qui veulent revenir
au passé, qui voudraient se fondre dans des ensembles super-régionaux, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre nos acquis en
question.
Prouvons au monde que la maturité politique du peuple rwandais, son humanité foncière sont les meilleurs garants pour que nous
surmontions cette épreuve difficile, pour que nous restions sereins, pour que nous puissions le plus vite revivre l'entente et la
paix, que nous avons connues depuis si longtemps et que rien, ni personne ne voudra jamais mettre en péril.
Rwandaises, Rwandais, Amis du Rwanda!
C'est également sur le plan de son image à l'extérieur que notre pays subit les pires injures, par la faute d'une campagne
d'intoxication sans pareil.
Il est ainsi dit que notre gouvernement massacrerait allègrement des milliers de nos concitoyens, que le Moyen-Age le plus
sombre règnerait dans nos intitutions pénitentiaires, que nous serions des sanguinaires débridés, piétinant sauvagement les
droits de l'homme, et bien d'autres horreurs encore.
La vérité est toute autre.
La vérité est tout autre, apparement et nous le déplorons qui'il n'y eut heureusement qu'un seul mort lors de la mise en
prévention provisoire des 2500 à 3000 personnes dont il fallait examiner l'identité et les activités, pour des raisons de
sécurité nationale, mais aussi pour leur protection, et à part quelques échauffourées, et quelques rudesses, probablement
inévitables, vu les circonstances de tensions, de menace de guerre civile, qui ne font que plus apprécier la remarquable
maîtrise en la matière de nos forces de sécurité, tout le monde semble se porter raisonnablement bien, vu bien sûr le contexte.
Nos prisons ont été visitées par les journalistes, libres de filmer ce qu'ils voulaient bien filmer, et de discuter avec
qui que ce soit; des missions diplomatiques ont elles aussi pénétré dans nos prisons. Elles sont libres de le faire autant de
fois qu'elles le veulent.
Le comité international de la Croix-Rouge qui, à la satisfaction profonde de toutes les parties concernées et avant tout
des responsables des prisons et des détenus eux-mêmes, avait déjà visité toutes nos prisons, selon ses méthodes, il y a peu de
temps, pour le moment, il est lui aussi à l'oeuvre, sans aucun empêchement de qui ou de quoi que ce soit, et cela conformément
aux Accords internationaux signés, en connaissance de cause, par le RWANDA, convaincu de leurs objectifs.
Voilà, c'est cela la vérité. Nous n'avons rien à cacher. J'invite les parlements de nos pays amis de nous envoyer leurs
commissions d'enquêtes, s'ils le veulent. Elles pourront tout voir, elles pourront enquêter sur tout. Vraiment, nous n'avons
rien à cacher.
Ce que nous voulons, c'est que le monde connaisse la vérité, et rien d'autre, plutôt que cette minable campagne de
pseudo-information. Que nos prisons sont surpeuplées, à l'image même de notre pays, rien de nouveau à cela. Mais nous ne semblons
pas être les seuls dans ce cas...
Et qui mieux que nous-mêmes sait tout ce que nous pourrions améliorer si nous en avions les moyens?
Ensuite, les agresseurs de notre pays le font décrire par des média internationaux comme étant pourri par la corruption, comme
se vautrant dans toute sorte d'ambitions personnelles, allant même jusqu'à lui enlever tout crédit en matière de développement, ce
développement qui n'aurait jamais été l'objectif du Gouvernement rwandais, ni de ses responsables politiques!
Que la course individuelle à la richesse, déviation constatée sous toutes les latitiudes, peut pervertir la marche vers le
progrès collectif partagé, cela est connu par le monde entier. Mais qui voudrait oublier délibérément, avec quel acharnement
moi-même ai stigmatisé ce phénomène et cela dès 1986, dès ma première rencontre avec les fonctionnaires de l'Etat et le personnel
politique! C'est un phénomène difficile à iradiquer rapidement, mais comme chacun le sait, nous nous sommes attelés avec conviction.
Et puis, il ne faut pas vouloir escamoter les perpectives véritables de ce phénomène au Rwanda. Selon certains, dont même des Chefs
de gouvernements occidentaux, le Rwanda resterait toujours parmi les pays apparemment les plus propres. Mais cela, bien sûr, ne
nous empêche pas de continuer notre lutte décidée contre ce fléau de nos sociétés.
Enfin, on nous reproche de ne pas avoir tout fait pour résoudre le problème de nos réfugiés. Cette accusation nous étonne
beaucoup; la position du Gouvernement est plus claire et plus déterminée, et ses efforts ne laissent rien à désirer. Les dossiers
sont là pour le prouver. Mieux, depuis plusieurs années, nous avons déjà exploré les possibilités avec certains bailleurs de fonds,
d'affecter une partie des ressources régionales qui reviennent au Rwanda aux pays accueillant ses ressortissants afin de démontrer
clairement notre volonté de contribuer à un développement harmonieux de notre région.
Mais justement, Militantes et Militants, Amis du Rwanda, justement, n'est-il pas étrange de constater qu'au moment même où des
solutions réelles et justes semblent à notre portée, concernant le problème des réfugiés rwandais, qu'au moment où notre pays s'est
engagé dans un aggiornamento politique en profondeur, et qu'il a réussi à trouver une entente avec les bailleurs de fonds du système
de Bretton Woods, n'est-il pas étrange que c'est à ce moment précis que des forces hostiles aux intérêts bien compris de notre pays
aient décidé de lui porter une attaque armée et dévastatrice, l'entrainant dans la violence, le sang et le feu, afin d'essayer d'y
instaurer un retour à un régime féodal?
Essayer de régler par les armes des problèmes dont la solution pacifique pouvait être entrevue, tout en risquant une
conflagration nationale et régionale, c'est de l'inconscience criminelle ou alors c'est le résultat d'une approche dont le
cynisme ne le dispute qu'au mépris des droits humains les plus élémentaires.
Rwandaises et Rwandais!
Où que vous soyez, sachez que le Gouvernement du Rwanda poursuivra par tous les moyens ses efforts vers la solution pacifique
des problèmes qui nous assaillent.
Qui plus que nous-même serait mieux disposé à appuyer et à poursuivre avec sa conviction et acharnement une solution définitive
du problème de nos réfugiés et de nos émigrants?
Il y a bien sûr, toujours moyen de mieux faire, comme pour toute chose; mais pour que nous puissions savoir comment mieux faire,
je ne puis que réitérer l'invitation lancée à toutes celles et tous ceux qui pourraient nous faire des suggestions nouvelles de
nous les faire connaître.
De même, nous nous sommes lancés dans cet aggiornamento politique dont nous voulons qu'il réponde aux défis nouveaux et aux
exigences nouvelles. S'il y a moyen de l'accélérer, notre aggiornamento, ce n'est évidemment pas moi qui m'y opposerais; ce que
je désire, en tant que responsable actuel de mon pays, c'est que cela se fasse mûrement, d'une manière réfléchie, afin que nous
soyons sûrs qu'il tienne compte de tout ce dont il faut tenir compte.
Mais ici aussi, je voudrais réitérer l'invitation pressante que j'ai déjà lancée si souvent à toutes celles et à tous ceux qui
pourraient contribuer au débat d'apporter leurs idées et leurs propositions, s'il faut élargir le cadre de consultation, s'il faut
ouvrir encore plus la participation pour y inclure nos compatriotes dans la diaspora, évidemment, nous le ferons, puisque cela
répond parfaitement à l'esprit et à l'envergure de l'aggiornamento postulé.
Mais nous devrions alors savoir qui voudrait bien participer activement et constructivement à l'approfondissement de
l'édification politique de notre pays. Il importe comme je ne cesse de le dire, que la base politique définissant l'avenir
des structures politiques de notre pays soit la plus représentative possible.
Rwandaises, Rwandais, Amis du Rwanda!
Voilà ce que j'avais à dire aujourd'hui.
J'aimerais terminer en remerciant vivement, au nom du peuple rwandais, les pays amis qui ont si spontanément pris notre parti,
en nous apportant un soutien important sur le terrain, en venant nous aider à protéger leurs compatriotes travaillant chez nous au
progrès de notre pays.
J'aimerais leur dire que nous continuons à avoir besoin de leur présence, pendant un certain temps encore, jusqu'à ce que nous
soyons sûrs que les choses seront rentrées dans l'ordre. Nous sommes sûrs que, conscients de l'enjeu profond et grave de leur
présence, conscients de l'importance qu'il y a de sauvegarder les acquis et d'assurer grâce à une vision optimiste l'espoir aux
peuples de notre région, ils continueront à nous accorder leur appui.
Militantes et Militants!
Tous ensemble, nous allons continuer notre marche vers le progrès. Les temps sont difficiles; les temps par lesquels nous
passons actuellement contiennent en eux-mêmes les germes d'un avenir meilleur.