Quelques messages et lettres officiels relatifs à la guerre déclenchée le 01.10.1990 contre le Rwanda.
MESSAGE ADRESSEE A LA NATION PAR SON EXCELLENCE LE GENERAL MAJOR HABYARIMANA JUVENAL PRESIDENT DE LA
REPUBLIQUE RWANDAISE ET PRESIDENT-FONDATEUR DU MOUVEMENT REVOLUTION-NAIRE NATIONAL POUR LE DEVELOPPEMENT LE 10 NOVEMBRE 1990.
Mesdames et Messieurs les Membresdu Corps Diplomatique et Consulaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Rwandaises et Rwandais,
Amis du Rwanda !
Le renforcement de la démocratie de notre pays, je l'ai toujours vu comme une exigence intrinsèque de l'évolution de notre
société ; je me suis longue-ment expliqué à ce sujet dans mon discours du 05 juillet passé. Ce renforcement du jeu démocratique
véritable, nous l'avons préparé depuis bientôt trois ans : l'aggiorna-mento politique a été défini comme une priorité dans le
discours-programme du 15 janvier 1989.
Mais les réformes politiques que nous avons prévues peuvent, et selon moi, doivent être considérées aussi comme un élément
incitatif à la relance économique, telle que nous la concevons.
Voilà pourquoi j'ai postulé, il n'y a pas longtemps, qu'il convient d'accélérer le processus des réformes politiques.
Mais il s'agit aujourd'hui aussi d'encourager encore une fois toutes les bonnes volontés et les efforts appréciables que de
nombreuses Rwandaises et de nombreux Rwandais, et en particulier ceux vivant à l'étranger, voudraient fournir en vue de contribuer
au débat politique et au renforcement démocratique.
Voilà pourquoi il convient de repréciser le mandat de la Commission Nationale de Synthèse et de lui fixer un échéancier clair
et réaliste pour la mise en place des réformes politiques amorcées.
L'adoption de la Charte politique nationale devant précéder la révision de la Constitution, il convient de séparer les deux choses et d'établir un échéancier précis pour la préparation de la Charte politique nationale d'abord, et de n'envisager la révision de la Constitution qu'après l'adoption de la Charte politique.
L'étape intermédiaire du processus des réformes politiques engagées étant la soumission à l'approbation par le peuple rwandais d'un projet de Charte politique nationale, déterminant les modifications à apporter à la Constitution rwandaise actuelle, il est impératif que les diverses étapes y menant soient parfaitement bien définies et comprises, et fixées dans le temps d'une manière réaliste.
La préparation d'une Charte politique nationale devant déterminer les modifications à apporter à la Constitution actuelle est prioritaire.
La Commission Nationale de Synthèse devra ainsi y concentrer ses efforts et accélérer la consultation nationale qu'elle a le mandat de mener afin de cerner toutes les dimensions des réformes politiques, toute leur envergure. Cette consultation et les débats que celle-ci aura suscités, permettront à la Commission Nationale de Synthèse de finaliser un projet de Charte politique nationale qui sera soumis, par voie de référendum, au peuple rwandais pour approbation.
L'échéancier suivant est à respecter par la Commission Nationale de Synthèse et ceux qui souhaitent lui faire parvenir leurs réflexions :
1.
La Commission Nationale de Synthèse finira d'ici le 30 décembre 1990 la préparation d'un document de travail sur lequel sera organisé le débat national concernant la Charte politique natio
2.
La Commission Nationale terminera le débat national sur ce document avant le 15 mars 1991.
3.
Elle finalisera le projet de Charte politique nationale, sur base des réactions et propositions recueillies au cours du débat national avant le 30 avril 1991, date à laquelle la Commission devra déposer son rapport.
Le référendum sur la Charte politique nationale devra ainsi intervenir avant le 15 juin 1991.
C'est l'adoption par le peuple rwandais de la nouvelle Charte politique nationale qui déterminera les principes et le cadre de la mise en place de futurs partis et formations politiques de notre pays.
L'adoption par le peuple rwandais de la Charte politique nationale entraînera la révision de la Constitution rwandaise actuelle pour y intégrer les modifications fondamentales approuvées par le peuple. Par la même occasion, il sera possible de procéder, le cas échéant, à la révision d'autres parties de la Constitution, que l'évolution des temps aura pu rendre nécessaires.
La révision de la Constitution interviendra aussi tôt que possible.
Il est évident que rien n'empêche les gens de penser dès maintenant aux partis et aux formations politiques qu'ils aimeraient, le cas échéant, créer, afin qu'ils puissent s'y préparer et penser aux programmes politiques qu'ils désireront soumettre au peuple.
Il importe, comme je l'ai dit, que durant les étapes menant au référendum sur la Charte politique nationale toutes les forces vives, à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur de notre pays, puissent s'exprimer et contribuer activement aux travaux préparatoires.
Voilà pourquoi, pour qu'il y ait pas la moindre ambiguité concernant notre volonté de faire participer à la définition du nouveau paysage politique toutes les personnes désireuses de participer au processus des réformes politiques postulées, je lance une invitation pressante à toutes les Rwandaises et tous les Rwandais, tant à ceux vivant à l'intérieur de notre pays qu'à ceux vivant à l'extérieur, de nous faire connaître leurs façons de penser, leurs suggestions, leurs propositions. Rien ne les empêche de le faire, soit à titre individuel, soit à titre collectif, soit déjà regroupés au sein d'entités organisées partageant les mêmes objectifs, en vue, le cas échéant, de la constitution ultérieure de partis politiques.
La participation des Rwandaises et Rwandais vivant à l'extérieur peut se faire de multiples façons, afin que leurs contributions fassent partie intégrante du processus des réformes politiques. Il ne m'appartient pas de faire l'inventaire des nombreuses possibilités pour eux de participer à ce débat vital, l'envoi, à la Commission de Synthèse, de projets de Charte, d'analyses de certains aspects spécifiques n'en étant qu'une.
Nous aimerions que toutes celles et tous ceux qui ont quelque chose de constructif à proposer au peuple rwandais le fassent. L'aide de nos Ambassades à l'étranger, pour l'envoi de documents ou d'autres services qu'elles pourraient rendre, leur est acquise.
Bien entendu, tout le monde est le bienvenu au Rwanda, je m'engage à garantir toute la sécurité et toute la liberté d'expression de tous ceux qui voudraient se rendre au Rwanda pour exposer, dans nos média, ou devant la Commission, leurs idées.
Voilà ce que j'avais à vous dire aujourd'hui sur l'aggiornamento politique.
Mesdames et Messieurs les Députés Rwandaises et Rwandais, Amis du Rwanda !
Vous savez à quel point le problème des réfugiés vivant à l'extérieur a toujours préoccupé aussi bien la première que la deuxième République.
Tout le monde a encore à l'esprit l'accélération des initiatives prises par le Rwanda, en coopération étroite avec les pays amis notamment l'Ouganda, ainsi que la multiplication des prises de positions en faveur d'une solution définitive de ce problème, afin que cette épithète anathématique de réfugiés disparaisse une fois pour toutes, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, dans l'intérêt de la paix et de l'entente dans notre région, dans l'intérêt d'un développement harmonieux, accéléré et durable de nos pays.
Parfaitement conscient que le sort du réfugié rwandais est la responsabilité première de son peuple et de son Gouvernement, comme je l'ai encore répété dans mon Discours-Programme du 15 janvier 1989, le Rwanda, décidé à trouver une solution définitive et satisfaisante à ce problème délicat et tragique, continuera à placer son action auprès des réfugiés eux-mêmes, auprès des pays voisins et Etats frères, auprès de la Communauté Internationale enfin.
Malheureusement, et nous le regrettons profondément, la guerre des INKOTANYI a interrompu nos efforts, tout en risquant d'annihiler jusqu'aux acquis de nos efforts.
Les choses commencent à rentrer dans l'ordre, le Rwanda préfère considérer la situation nouvelle créée comme une opportunité nouvelle majeure de régler une fois pour toutes ce problème tragique.
Dans l'immédiat, le Rwanda met tous ses espoirs dans la Conférence régionale que le Président Tanzanien, Monsieur ALI HASSAN MWINYI, convoquera sous peu, et qui réunira, autour de lui, les Présidents zaïrois, burundais, kenyan, ougandais et rwandais, ainsi que les représentants des organisations internationales comme le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et des observateurs de pays amis.
Dans l'immédiat aussi, pourquoi le groupe des réfugiés rwandais en Ouganda, qui devait séjourner dans notre pays dans la première moitié du mois d'octobre passé ne viendrait-il pas dans les meilleurs délais faire la mission qu'il était censé faire sous les auspices du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (H.C.R) ? Cela permettrait de reprendre le fil noué depuis si longtemps et qui s'était subitement cassé.
Je réitère mon appel aux réfugiés de toutes tendances de saisir l'offre faite par le Rwanda de trouver une solution pacifique, harmonieuse à ce problème, dans l'intérêt de tous et grâce à un dialogue constructif.
Voilà ce que j'avais à vous dire aujourd'hui au sujet des solutions envisagées pour régler rapidement le problème de nos réfugiés.
Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique et Consulaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Rwandaises et Rwandais,
Amis du Rwanda !
Le dernier grand thème que j'aimerais aborder concerne la normalisation de la situation dans notre pays.
Le problème qui préoccupe le plus toutes les familles rwandaises, c'est celui de l'avancement des travaux de la commission de tri des dossiers des personnes qui ont été arrêtées lors des hostilités avec les attaquants INKOTANYI. Je me suis déjà expliqué à plusieurs reprises au sujet de ces arrestations en grande partie préventive, que les circonstances n'ont malheureusement , et nous le regrettons tous sincèrement, pas pu éviter.
Depuis que les forces armées rwandaises ont réussi à repousser le gros de ces attaquants, la Commission de tri a redoublé d'efforts por venir rapidement à terme de l'étude des quelques milliers de dossiers à vérifier quant au bien-fondé des indices de culpabilité retenus.
La Commission de tri, qui a entendu en l'espace d'un mois plus de 3000 personnes parmi lesquelles elle a décidé la libération de 2578 personnes arrêtées préventivement, continue d'arrache-pied son travail, en se penchant sur les chefs d'accusation des personnes retenues, en procédant à leur audition, pour décider soit de la mise en liberté immédiate de ces personnes, soit de les référer au parquet pour interrogatoires.
D'ici peu de temps ne resteront plus que les personnes dont les dossiers contiennent des charges suffisantes pour qu'ils soient déférés au parquet.
Grâce à la Croix-Rouge, les contacts ont pu être établis régulièrement entre les familles des personnes détenues et ces dernières ; des visites ont aussi pu être organisées.
Cette guerre diabolique nous a apporté énormément de chagrin, de tristesse et de douleur. Parmi ses incidences les plus préjudiciables figure précisément l'arrestation, en grande partie inévitable, je le déplore profondément, de plusieurs milliers de personnes.
Rien ne serait plus catastrophique pour notre pays si les personnes qui ont été détenues pendant une période de quelques semaines, et qui se voient parfaitement réhabilitées aujourd'hui, ou dans les jours qui viennent, devaient subir moindre préjudice.
J'en appelle à tout le peuple rwandais pour qu'en ces temps si difficiles seul compte l'effort de guérir, de panser les blessures, l'effort aussi de coopérer, de s'entendre toujours mieux, sans rancune, sans jalousie, sans esprit de vengeance de part et d'autre, pour que triomphent à nouveau l'unité nationale, l'entente profonde et l'harmonie qui a toujours régné au sein du peuple rwandais, parce que nous savons que c'est seulement ainsi que notre peuple continuera à approfondir son unité, la paix et la concorde nationale qui nous permettront de continuer notre dévelop-pement.
Militantes et Militants !
Le respect des droits et des libertés est une exigence fondamentale de tout Etat de droit. On me signale, malheureusement, que du côté de la Gendarmerie Nationale certains des échelons inférieurs s'adonneraient à des actes incompatibles avec la dignité de notre peuple et la mission de leur profession.
Pour mettre fin à ces abus, je demande aux officiers de la police judiciaire, qu'ils soient de la Gendarmerie, du Parquet, du Service Central de Renseignements (S .C.R) ou autres, de n'arrêter et n'emprisonner, à partir d'aujourd'hui, que des personnes coupables d'un crime sérieux, avec preuve évidente. Pour des infractions mineures, objectivement constatées, notamment les contraventions, ils doivent éviter dans la mesure du possible de recourir aux arrestations immédiates et s'efforcer d'en référer rapidement au Ministère Public pour suite appropriée.
Cela devra mettre fin, une fois pour toutes, aux arrestations abusives, et aux traitements parfois inacceptables auxquels celles-ci ont pu donner lieu.
Notre pays est un Etat de droit. Les autorités administratives sont appelées à éviter de s'ingérer dans l'activité judiciaire qui est exclusivement réservée aux cours,, tribunaux et parquets, à moins que la loi ne le spécifie.
Enfin, la guerre a dévoilé que l'ennemi a su profiter de certaines de nos faiblesses sur le plan de la sécurité. Voilà pourquoi j'ai décidé de faire procéder au remplacement de la carte d'identité actuelle en faveur d'une nouvelle carte d'identité, présentant une sécurité maximale à tous points de vue, et dont la fabrication exigera le concours spécialisé d'expertises extérieures.
Je charge le Ministre de l'Intérieur et du Développement Communal de procéder immédiatement à l'élaboration et à l'impression de la nouvelle carte d'identité.
L'introduction d'une nouvelle carte d'identité, de haute sécurité, permettra par la même occasion de supprimer la mention ethnique et de revoir le contenu de ce qui doit figurer sur une carte d'identité modernisée.
Voilà ce que j'avais à vous dire aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique et Consulaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Rwandaises et Rwandais,
Amis du Rwanda !
Il ne me reste plus qu'à vous exprimer, au nom de tout le peuple rwandais, la reconnaissance la plus profonde pour l'extraordinaire maîtrise dont tout le monde a fait preuve, malgré les circonstances détestables et traumatisantes que nous a imposées et nous impose encore cette guerre.
VIVE LE RWANDA VIVE LA PAIX NATIONALE
VIVE L'ENTENTE ET LA COOPERATION ENTRE LES PEUPLES.