Accord de Paix d'Arusha entre le Gouvernement de la République Rwandaise et le Front Patriotique Rwandais
Ce document est apparu dans le Journal Officiel de la République Rwandaise (Année 32 N°16 du 15 août 1993)
PROTOCOLE D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE RWANDAISE ET LE FRONT PATRIOTIQUE RWANDAIS SUR
L'INTEGRATION DES FORCES ARMEES DES DEUX PARTIES
Paragraphe 4: Des opérations d'intégration
Article 73: Des critères de sélection des militaires de l'Armée Nationale.
La sélection par chaque partie, des militaires devant composer l'Armée Nationale et des militaires à démobiliser, se fait
dans les points de rassemblement. Les militaires devant faire partie de l'Armée Nationale doivent répondre aux critères suivants:
Etre physiquement apte, c'est-à-dire être déclaré physiquement apte par un médecin agréé.
Toutefois, les blessés et les handicapés de guerre restent admissibles à l'Armée selon leurs spécialités, contrairement aux
invalides de guerre qui devront être démobilisés mais assistés. Ceci concerne toutes les catégories des militaires.
-
Avoir 21 ans au moins.
2. Pour les Sous-officiers.
-
Etre volontaire;
-
Etre déjà Sous-officier;
-
Etre rwandais;
-
Etre physiquement apte;
-
Avoir 18 ans au moins.
3. Pour la Troupe.
-
Etre volontaire;
-
Etre déjà militaire;
-
Etre rwandais;
-
Etre physiquement apte;
-
Avoir 18 ans au moins.
Pour toutes les 3 catégories de militaires, en cas de doute sur les critères retenus ci-dessus, il sera procédé aux
vérifications nécessaires.
Chaque partie déterminera souverainement le grade et l'ancienneté de chacun des éléments de sa force.
Article 74: Des proportions et de öa répartition des postes de commandement.
Au cours de la formation de l'Armée Nationale, les proportions et la répartition des postes de commandement entre les deux
parties respecteront les principes ci-après:
1°
Les forces gouvernementales fournissent 60 % des effectifs et celles du F.P.R. 40 % à tous les niveaux
à l'exception des postes de commandement décrits ci-dessous.
2°
Dans la chaîne de commandement, de l'Etat-Major de l'Armée jusqu'au niveau du Bataillon, chaque partie
sera représentée à 50 % pour les postes suivants: le Chef d'Etat-Major; le Chef d'Etat-Major Adjoint; les Chefs de Bureau à
l'Etat-Major (G1, G2, G3, G4); les Commandants de Brigade; les Commandants en second de Brigade; les Chefs de Section de
l'Etat-Major de Brigade (S1, S2, S3, S4); les Commandants de Bataillon; les Commandants en second de Bataillon; les Commandants
et les Commandants en second des unités spécialisées et d'appui, à savoir: les Bataillons Paracommando, Reconnaissance, Police
Militaire, Génie, Artillerie de compagne, Artillerie antiaérienne, Centre logistique; les Commandants et les Commandants en
second des Ecoles E.S.M. et E.S.O ainsi que les Commandants et les Commandants en second des Centres d'instruction de BIGOGWE
et de BUGESERA.
3°
Tous les postes de responsabilité repris ci-dessus seront partagés entre les Officiers du Gouvernement
Rwandais et ceux du F.P.R. conformément au principe d'alternance.
Ainsi, les forces gouvernementales et celles du F.P.R. fourniront un nombre égal de Commandants de Brigade et de Bataillon, de
Commandants en second de Brigade et de Bataillon, de Chefs de Bureau à l'Etat-Major, de Chefs de Section de l'Etat-Major de
Brigade, de Commandants et de Commandants en second des unités spécialisées, des Ecoles et des Centres d'instruction repris
ci-dessus. Cependant, aucune force ne peut détenir à la fois les postes de Commandant et de Commandant en second dans une même
Unité.
4°
Sans préjudice à l'article 73, les proportions des deux forces dans toutes les structures de l'Armée
Nationale ne seront affectées par aucune condition préalable en ce qui concerne l'accessibilité. Ainsi, une formation adéquate
sera dispensée aux militaires retenus, n'ayant pas toutes les qualifications nécessaires, selon les modalités déterminées par
le Haut Conseil de Commandement de l'Armée.
5°
Le poste de Chef d'Etat-Major de l'Armée Nationale revient à la partie gouvernementale; celui de Chef
d'Etat-Major Adjoint revient au Front Patriotique Rwandais (F.P.R.)
Article 75: Du cas particuliers des élèves officiers de l'ESM et des élèves sous-officiers de l'ESO.
Les élèves poursuivant leurs études dans les écoles des Forces Armées ainsi que les militaires en stage sont considérés
comme membres actifs des Forces Armées Rwandaises.
Le recrutement au sein de l'Armée Nationale et gelé jusqu'à la fin de la période de transition. Toutefois, le Gouvernement
de Transition à Base Elargie pourra décider, après avis du Haut Conseil de Commandement de l'Armée, de reprendre les
recrutements dans les écoles des Forces Armées avant la fin de la période de transition.
Paragraphe 5: De l'instruction de l'Armée Nationale.
Article 76:
Les éléments de chaque force sélectionnés pour faire partie de l'Armée Nationale suivent une formation destinée à
l'harmonisation des techniques et à l'intégration harmonieuse des militaires.
Article 77: Des phases d'instruction.
L'instruction s'effectuera en deux phases:
Phase 1:
L'instruction séparée des militaires des Forces Armées Rwandaises et du Front Patriotique Rwandais se fera
dans leurs zones respectives. Cette phase sera axée sur la préparation des militaires des deux parties à vivre ensemble dans
leurs futures unités pour former désormais une même armée et éliminer l'esprit d'antagonisme de la guerre. La formation séparée
durera un mois.
Phase 2:
L'instruction conjointe des unités de l'Armée Nationale est assurée aux militaires provenant des deux parties
dans les mêmes centres d'instruction.
Cette instruction sera donnée aux militaires devant faire partie de l'Armée Nationale et ayant été sélectionnés par chaque
partie suivant les critères indiqués à l'article 73 du présent Protocole.
Elle débutera, autant que possible, après la désignation des militaires dans leurs unités d'affectation.
Cette phase aura pour objectif, l'harmonisation des techniques provenant des deux armées, la culture de l'esprit d'équipe, le
renforcement de l'esprit patriotique et celui de la réconciliation. Cette instruction s'effectuera par cohortes dans des centres
d'instruction, en trois roulements de plus ou moins quatre mille quatre cent (4.400) hommes. Chaque cohorte passera deux mois
dans ces centres d'instruction.
La formation conjointe durera sept (7) mois, soit deux mois d'instruction par roulement et 2 x 15 jours de préparation entre
les roulements. Les militaires qui ne seront pas sélectionnés pour le premier roulement attendront leur tour dans les points de rassemblement.
Le Haut Conseil de Commandement de l'Armée arrêtera le programme général de l'instruction ainsi que l'ordre de succession
dans les centres d'instruction.
Le programme et le calendrier d'instruction sont repris à l'annexe II du présent Protocole d'Accord et en font partie
intégrante.
Article 78: Des instructeurs.
Pour toutes les phases d'instruction, il sera fait appel à des instructeurs rwandais fournis par les deux parties et à des
instructeurs étrangers. Ceux-ci seront fournis par des pays acceptés par les deux parties ainsi que par la Force Internationale
Neutre. Le nombre des instructeurs sera égal à environ 10 % des militaires à former dans chaque cohorte.
La formation conjointe des instructeurs rwandais se fera, dans la mesure du possible, avant la formation séparée des
militaires des deux parties.
Article 79: De la Commission Conjointe des Programmes.
Il est institué une Commission Conjointe ad hoc des Programmes, chargée de préparer les syllabus relatifs à toutes les
disciplines qui seront enseignées pendant la formation conjointe. Lesdits syllabus devront être disponibilisés avant le
désengagement des forces des deux parties.
Ladite Commission débutera ses travaux avant le 15 août 1993 et devra les avoir terminés au plus tard le 31 août 1993.
La Commission travaillera sur base de projets de syllabus préparés par chaque partie.
La Commission travaillera sous la présidence du Commandant du Groupe d'Observateurs Militaires Neutres ou de son délégué;
ce dernier contactera les deux parties pour la fixation du calendrier des travaux.
Paragraphe 6: Du déploiement des effectifs dans les unités.
Article 80:
L'affectation des militaires dans les unités respectives se fera après la formation de chaque cohorte.
Après l'intégration, l'Armée composée des éléments issus des deux parties sera appelée "ARMEE NATIONALE".
Paragraphe 7: De la responsabilité du Gouvernement de Transition à Base Elargie en matière d'integration
des forces.
Article 81:
Le Gouvernement de Transition à Base Elargie prendra toutes ses dispositions pour que soit assurée l'intégration des forces
des deux parties.
Ce Gouvernement prendra en charge, dès sa mise en place, les forces des deux parties en ce qui concerne le commandement,
la logistique, le ravitaillement et le bien-être. A cet effet, les deux parties devront fournir les effectifs et les noms des
membres de leurs forces respectives.
La Force Internationale Neutre ou le GOMN élargi procédera, dès que possible, à la vérification de ces noms et effectifs.
Les deux forces, ainsi placées sous la responsabilité directe du Gouvernement de Transition à Base Elargie, seront soumises
à son autorité. Le F.P.R. sera alors considéré comme un parti politique ou son équivalent.
CHAPITRE II: DE LA GENDARMERIE NATIONALE.
Section 1: De la définition, des missions et des principes.
Article 82: De la définitiion.
La Gendarmerie Nationale est une force armée instituée pour assurer l'exécution des lois en vue de maintenir l'ordre et
la sécurité publics.
Article 83: Des missions.
La Gendarmerie Nationale remplit les missions suivantes:
1.
Maintenir et rétablir l'ordre public;
2.
Prévenir les infractions;
3.
Rechercher les infractions et leurs auteurs;
4.
Opérer les arrestations conformément à la loi;
5.
Assurer la police administrative;
6.
Assurer, dans les limites fixées par la loi, les missions de police judiciaire;
7.
Faire respecter les lois et règlements dont elle est directement chargée d'assurer l'exécution;
8.
Assurer la police des Cours et Tribunaux;
9.
Assurer la protection des personnes et des biens;
10.
Secourir et prêter assistance aux personnes en danger ou en détresse;
11.
Intervenir en cas de sinistre et de calamité;
12.
Assurer la police de roulage sur toute l'étendue du territoire national;
13.
Assurer la sécurité des aéroports;
14.
Collaborer avec INTERPOL et avec les institutions homologuées des pays étrangers, dans le cadre de la
coopération bilatérale;
15.
Participer à la défense du territoire dans le cadre fixé par la loi.
Article 84: Des principes.
1.
La Gendarmerie Nationale, en tant qu'institution, est régie par les lois et règlements du pays. Dans son
fonctionnement et dans l'exercice de ses missions, elle doit respecter l'esprit et la lettre des conventions internationales
auxquelles la République Rwandaise est partie.
2.
La Gendarmerie Nationale est à la disposition du Gouvernement et est subordonnée à son autorité dans le respect,
par les deux institutions, de la Loi Fondamentale, des lois, des principes démocratiques et de ceux de l'Etat de droit.
3.
Dans le cadre de sa mission d'assurer l'ordre et la sécurité intérieure et dans les limites des principes
énoncés ci-dessus, la Gendarmerie Nationale agit spontanément et organise souverainement son activité en vue d'accomplir cette
mission. Elle doit ainsi répondre de la sécurité intérieure du pays devant le Gouvernement.
4.
La Gendarmerie Nationale fait des rapports à l'autorité administrative du ressort dans lequel elle opère et
tient celle-ci régulièrement informée de son action.
5.
La Gendarmerie Nationale est une force non partisane. A ce titre, elle sera toujours guidée, dans l'exercice
de ses fonctions, par l'intérêt supérieur de l'Etat et le bien public et exécutera ses tâches sans esprit partisan.
6.
Les membres de la Gendarmerie Nationale sont uniquement des citoyens rwandais, volontaires, engagés sur base
de leurs compétences. La Gendarmerie Nationale est ouverte à tout Rwandais sans distinction d'ethnie, de région, de sexe et de
religion.
7.
Chaque membre de la Gendarmerie Nationale doit être aisément identifiable par le public grâce à un insigne
portant soit son nom, soit le numéro de matricule, soit les deux à la fois. Les agents habituellement en civil de par leur
fonction doivent produire leurs cartes professionnelles quand le devoir le leur charge requiert d'eux de prouver leur qualité
de gendarme. Les membres de la Gendarmerie Nationale doivent strictement faire preuve de courtoisie et de politesse dans leurs
relations avec le public. Dans l'accomplissement de leurs missions, ils ne peuvent infliger des traitements cruels, inhumains
et dégradants.
8.
Les membres de la Gendarmerie Nationale ont le droit d'être informés sur la vie socio-politique du pays. Ils
reçoivent une éducation civique et politique.
9.
Les membres de la Gendarmerie Nationale ne peuvent pas être affiliés à des partis politiques ni à toute autre
association à caractère politique. Ils ne peuvent participer ni aux activités ni aux manifestations des partis ou associations
politiques. Ils ne peuvent pas manifester publiquement leur préférence politique.
10.
Les membres de la Gendarmerie Nationale exercent leur droit de vote. Cependant, compte tenu de la nature de
l'organisation actuelle de cette institution, ses membres ne peuvent pas participer aux élections locales.
11.
Les membres de la Gendarmerie Nationale ne peuvent se porter candidats à l'exercice d'un mandat politique
électif, à moins de démissionner de leur fonction de gendarme.
Section 2: De la taille, de la structure et de l'organisation.
Sous-section 1: De la taille.
Article 85:
Les effectifs de la Gendarmerie Nationale (Officiers, Sous-officiers, Caporaux et Gendarmes) sont fixés à six mille (6.000)
hommes. La proportion des différentes catégories par rapport à l'ensemble de la Gendarmerie Nationale est de 6 % pour les
Officiers, 24 % pour les Sous-officiers et 70 % pour les Caporaux et Gendarmes.
Sous-section 2: De la structure.
Article 86:
La Gendarmerie Nationale comprend:
1. Un Conseil de Commandement;
2. Un Etat-Major;
3. Un Comité de Sécurité;
4. Des Unités territoriales;
5. Des Unités spécialisées;
6. Des Unités et Services d'appui.
L'organigramme de la Gendarmerie Nationale est repris en annexe III du présent Protocole d'Accord et en fait partie intégrante.
Sous-section 3: De l'organisation de la Gendarmerie Nationale.
Paragraphe 1: Du Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale.
Article 87:
Il est créé un Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale, en abrégé CCGN, qui, dans le cadre de la politique
définie par le Gouvernement, constitue l'organe de concertation et de prise de décisions en matière d'organisation et de
coordination de l'action de la Gendarmerie Nationale. Il rend compte au Gouvernement à travers le Ministre de la Défense.
Article 88: De la mise en place du Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale.
Le Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale sera mis en place en même temps que les Institutions de la Transition.
Article 89: De la composition.
Le Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale est composé par:
- Le Chef d'Etat-Major de la gendarmerie Nationale : Président
- Le Chef d'Etat-Major Adjoint de la Gendarmerie Nationale : Vice-Président
- Les Commandants des Groupements (11) : Membres.
Article 90: Des attributions.
Le Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale exerce les attributions suivantes:
1.
Mettre sur pied les modalités de mise en application de la politique du Gouvernement en matière de sécurité
publique du pays;
2.
S'assurer de l'exécution de la politique de sécurité publique du pays;
3.
Arrêter, en exécution de la politique générale du Gouvernement, la doctrine d'emploi de la Gendarmerie
Nationale en établissant les mécanismes et les stratégies de maintien de l'ordre et de la sécurité ainsi que de la meilleure
utilisation des ressources;
4.
Définir les grandes lignes de l'organisation de l'approvisionnement et de la fourniture de la logistique;
5.
Emettre des avis, d'initiative ou sur demande du Ministre de la Défense, sur des projets de politique de
maintien de l'ordre et de la sécurité, sur l'organisation d'ensemble de la Gendarmerie Nationale, sur l'état de la fonction
de gendarme ainsi que sur toute question de portée générale intéressant la Gendarmerie Nationale;
6.
S'assurer de l'organisation et de l'administration efficaces de la Gendarmerie Nationale;
7.
Examiner les problèmes importants vécus dans les unités et prendre les décisions à exécuter par l'Etat-Major
de la Gendarmerie Nationale ou formuler des recommandations au Ministre de la Défense pour mesures appropriées;
8.
Superviser la conduite du processus de formation de la Gendarmerie Nationale.
Article 91: Des réunions.
Le Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale se réunit une fois par mois en réunion ordinaire sur convocation de
son Président. Le Président peut le convoquer en réunion extraordinaire chaque fois que de besoin et notamment sur instruction
du Ministre de la Défense ou sur demande de l'un de ses membres. La convocation précise l'ordre du jour.
Article 92: Du mode de prise de décisions.
Les décisions sont prises par consensus et sont communiquées au Ministre de la Défense.
Les décisions ou recommandations du Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale sont transmises aux échelons
concernés par la voie du Chef d'Etat-Major.
Article 93: Du règlement d'ordre intérieur.
Le Conseil de Commandement de la Gendarmerie Nationale élabore son Règlement d'ordre intérieur.