Quelques documents importants relatifs aux facettes du génocide rwandais.
LETTRE OUVERTE
Overijse, 2 décembre 1994
Messieurs les Ministres,
Concerne: RWANDA.
Depuis plusieurs mois à présent, j'ai observé avec un certain recul l'évolution du dossier RWANDA, en particulier l'attitude du
gouvernement belge et des services administratifs ainsi que les comptes-rendus de la presse.
Vous n'êtes pas sans savoir que je suis le conseil de la famille HABYARIMANA, et que je me trouvais le 6 avril 1994 à KIGALI.
Le Président du MRND vient égaiement me demander de défendre les intérêts des milliers de prisonniers rwandais qui se trouvent à
KIGALI. Les massacres continuent.
Ces derniers mois, j'ai rencontré un nombre impressionnant de personnages, qu'il s'agisse des milieux politiques ou judiciaires
belges ou rwandais voire même Burundais en ce compris le Président du Burundi.
Je pense que le moment est venu, tenant compte du mutisme et de l'indifférence totale qu'opposent les instances responsables au
drame rwandais, devenu entretemps le drame de toute une région d'Afrique, de mettre les choses au point clairement et de mettre
toutes las instances devant leurs responsabilités.
I. LES FAITS.
1.
Avant le 1er octobre 1990 la RWANDA était un pays paisible, dirigé par le Président HABYARIMANA et un gouvernement issu du parti
unique, le M.R.N.D.
Le pays avait 5.000 soldats (garde présidentielle incluse). Le pays était un modèle de développement pour la région.
2.
Les soldats du F.P.R. ont attaqué le pays et tué des dizaines de milliers de rwandais.
3.
De multiples commissions dites " des Droits de l'Homme ", certaines organisations humanitaires, quelques politiciens,
essentiellement belges, inspirés par la tendance moderne de la démocratie en Afrique pour faire leur propre publicité et profit,
sont arrivés à imposer au pays le multipartisme et à discréditer le parti unique M.R.N.D.
4.
Le Président HABYARIMANA et son gouvernement ont accepté le multipartisme, comme il a accepté le principe de la négociation
entre les partis dans le cadre des Accords d'Arusha, qui ont été élaborés essentiellement en Belgique.
Le Président HABYARIMAMA a également fait confiance à la Force UNAMIR qui devait garantir la Paix dans le pays, menacé par la guerre
civile.
5.
L'essentiel de la force UNAMIR était constitué par le contingent belge, composé de soldats qui avaient la réputation de
connaître l'Afrique et en particulier le Rwanda.
6.
Le 6 avril 1994 à 20 heures 30 l'avion présidentiel, un Falcon Mystère, avec à son bord les Présidents de deux pays à large
majorité de Hutus (mais menacés par une minorité de Tutsis, ceux-ci armés jusqu'aux dents) est abattu sous les yeux des forces
UNAMIR qui avaient le contrôle de la ville et de l'Aéroport de KIGALI.
Cette force était essentiellement constituée de soldats belges.
L'équipage de l'avion était français et il s'agissait de civils.
7.
Nonobstant l'intervention des plus hautes autorités militaires rwandaises, et un appel au calme par le comité de crise, le
massacre débute rapidement dans un chaos total entre militaires (tuerie sauvage de 10 Casques bleus belges) ainsi qu' entre la
population locale.
8.
Moins de 20 heures après l'attentat commis sur la personne du Président HABYARIMANA, les soldats du F.P.R sortent du CND et
attaquent sur tous les fronts et dans tout le pays.
9.
Pendant plusieurs semaines, le pays connaît des massacres qui coûtent la vie à environ un million de personnes. Quatre millions
de rwandais cherchent refuge dans les pays voisins et dans des zones protégées.
II. Ce que nous avons lu et vu dans la presse.
10.
Des organisations humanitaires se pressent sur les lieux, s'installent confortablement et recueillent des dons colossaux dans
les pays industrialisés suite à la diffusion d' images atroces qui choquent l'opinion publique et appellent à la solidarité humaine.
11.
Les politiciens faisant montre d'un opportunisme certain, continuent à affluer sur les lieux et cherchent à faire leur propre
petite publicité (voir KOUCHNER) par des déclarations fracassantes et en multipliant la campagne de discrédit, lancée déjà en 1991,
à l'encontre du pouvoir en place et donc du Président HABYARIMANA.
12.
Une gigantesque campagne de presse mondiale en faveur de la minorité TUTSI et le FPR est lancée dans le monde entier après
quelques jours.
13.
Les responsables de l'attentat sont déjà tout désignés. Il s'agit nécessairement d'extrémistes hutus dirigés essentiellement
par les membres de la belle famille et l'entourage du Président HABYARIMANA ainsi que l'Etat Major de l'armée et les dirigeants
MRND-CDR.
Un plan de génocide devait obligatoirement exister et les miliciens hutus sont tous des tueurs.
14.
Le 1er décembre 1994, plus aucun politicien n'est encore intéressé par le Rwanda. La presse fait encore écho de quelques
déclarations souvent contredites, d'organisations humanitaires et de Commissions de l'O.N.U.
III. La réalité vécue et les éléments du dossier constitué.
1.
Je suis arrivé à KIGALL par vol SABENA le 4 avril et je me suis installé à l'hôtel MILLE COLLINES avec ma famille. Plusieurs
rendez-vous étaient prévus les vendredi, samedi et dimanche suivants avec mes clients (accusés par Monsieur KUYPERS et le professeur
REYNTJENS, stimulé par une certaine presse francophone de faire partie des " ESCADRONS DE LA MORT " ).
L'un de mes clients était Elie SAGATWA, présent dans l'avion présidentiel au moment où l'attentat a été commis.
Un autre de mes clients était le Colonel BAGASORA faisant également partie du groupe de personnages visés par les accusations du
professeur REYNTJENS et du sénateur KUYPERS, au nom desquels j'ai introduit une procédure en dommages -intérêts devant le Tribunal
de Première Instance de Bruxelles début janvier 1994.
Avant de lancer cette procédure j'avais pris soin de récolter des informations sur place pour être certain que mes clients n'étaient
pas mêlés à des actes criminels. J'ai invité à plusieurs reprises les accusateurs à me fournir les preuves de la culpabilité de mes
clients; s'ils me les avaient procurées, il est bien évident que je me serais déchargé de leur dossier.
Je ne souhaitais en effet nullement défendre des criminels.
Aucune preuve voir même aucun début de preuve de culpabilité de mes clients n'a pu être avancé dans le courant des années 1992 et
1993.
Le seul élément que tout le monde possédait était les déclarations du " journaliste " Africa qu' aucun de mes clients n'avait jamais
vu, des articles de presse rwandaise fantaisistes, des déclarations d'organisations dites " DROIT DE L'HOMME " constituées par des
TUTSIS, AFRICA WATCH qui ne connaissait que des TUTSIS et la Commission Internationale des Droits de l'Homme, présidée par l'avocat
Philippe GILLET, actuel conseil de plusieurs TUTSIS résidant en Belgique.
Ils prétendaient tous posséder des témoignages précis mais ne pouvoir communiquer l'identité de leurs sources pour des raisons de
sécurité.
2.
J' ai quitté KIGALI le mercredi 6 avril 4 heures 15 pour me rendre en jeep, et avec un chauffeur TUTSI, au parc RWINDI au Zaïre.
J'ai traversé la frontière RWANDAISE-ZAIROISE vers 17 heures 30 et je suis arrivé à 20 heures au parc.
J'ai appris le matin vers 6 heures que l'avion du Président HABYARIMANA avait été abattu ou "craché" selon les versions respectives
des radios rwandaise ou burundaise.
3.
Par un concours de circonstances exceptionnelles, j'ai eu la chance d'arriver à KINSHASA le jeudi soir et de pouvoir prendre le
vol SABENA en partance le vendredi pour être à Bruxelles le samedi matin à 6 heures.
Ayant été informé du massacre qui se passait au Rwanda et du refus de l'Etat Major rwandais d'autoriser les soldats belges à atterrir
à KIGALI, j'ai immédiatement pris contact avec l'Etat Major et je suis arrivé à mettre le colonel FLAMENT, responsable militaire de
la " cellule de crise " en contact avec le chef de l'Etat Major rwandais Marcel GATSINZI.
Le Colonel FLAMENT et moi-même sommes arrivés à convaincre celui-ci de modifier la décision initiale, à savoir, refuser les soldats
belges pour évacuer las expatriés belges. L'accord est intervenu dans l'après-midi du samedi.
Ces contacts, qui ont permis de sauver la vie de beaucoup de citoyens belges, et autres…, ont uniquement pu avoir lieu avec l'aide
de Monsieur Séraphin RWABUKUMBA, beau-frère de feu le Président HABYARIMANA et frère de Madame HABYARIMANA, lequel m'avait
communiqué les numéros de téléphone des personnes qui pouvaient me mettre en contact avec Monsieur Marcel GATSINZI, car je ne
l'avais jamais rencontré.
Dois-je vous rappeler que la " Cellule de Crise ", installée en Belgique après les événements, ne connaissait, au jour du samedi 9
avril 1994, ni le nom du Chef de l'Etat Major rwandais, ni les numéros de téléphone de cet Etat Major rwandais, ni qui contacter
car les représentants de notre pays sur place répondaient absents"?
Est-il imaginable et admissible que les diplomates belges qui se prétendent au fait de la politique rwandaise en se permettant de
s'ingérer directement dans son développement, n'aient pas été capables de prendre contact avec les autorités en place ? Pouvons-nous
également oublier qu'un contingent important de soldats belges Casques Bleus était sur place et que le Colonel MARSHALL était le
numéro deux de l'UNAMIR, sans que l'Etat Major belge ait pu être informé d'un seul numéro de téléphone ?
Est-il acceptable qu'un simple citoyen belge, avec l'aide de la famille du Président tué, ait pu convaincre l'Etat Major rwandais de
modifier une décision militaire d'une importance capitale pour l'évacuation des Belges, sans que quiconque, à l'exception de FLAMENT,
ait exprimé l'ombre d'un remerciement ?
4.
Depuis le mois de mai 1994, j'ai essayé d'informer la presse, par le biais de trois modestes conférences de presse, de
l'innocence da la famille HABYARIMANA dans le massacre rwandais et de la volonté de Madame HABYARIMANA de faire poursuivre les
assassins de son mari.
5.
Deux visites successives à GOMA et BUKAVU, m'ont permis de rapporter, pour les besoins da la famille et de la Justice belge,
les preuves et témoignages de l'absence d' implication de l'entourage direct du Présidant HABYARIMANA, (c.à.d. la belle famille,
le haut-commandement militaire, les conseillers politiques).
6.
Depuis plusieurs mois, j'essaie de convaincre l'Auditeur Militaire de se rendre sur place et de pouvoir ainsi interroger les
personnes dont il estime que le témoignage soit important.
7.
Depuis des mois, je constate que toute enquête piétine, nationale ou internationale. Que des politiciens et journalistes mal
informés et/ou irresponsables, continuent à accuser des prétendus " extrémistes hutus " et un HUTU POWER inexistant des malheurs
de la population rwandaise.
8.
Depuis des mois, je constate que les millions de rwandais, constituant la majorité da la population, vivent dans des camps,
entassés comme des bêtes sans qu'un seul responsable se soucie de prendre une quelconque initiative qui permette à ces personnes
de rentrer dans leur pays.
9.
Je constate avec vous que l'UNAMIR, qui est présentée comme gardien de la paix, n' a apporté que la guerre, la destruction et
l'exil.
10.
Je constate avec vous qu'une force militaire représentant la minorité, continue à dominer la majorité de la population et fait
obstacle à toute discussion politique sérieuse et à la mise en place de structures qui permettraient à cette majorité de rentrer au
pays.
SOLUTION
Je suis conscient da mon impuissance à changer le monde et renverser l'opinion publique.
Je constate avec stupéfaction, que suite à l'assassinat de deux Présidents HUTUS le FPR a pu bénéficier de la sympathie des
politiciens belges et autres alors qu'il ne représente qu'une minorité de 15% de la population rwandaise.
Sans vouloir porter d'accusations, il faut admettre que l'attitude de la politique étrangère belge, puissance européenne la
plus impliquée dans la vie économique du Rwanda, est déterminante pour la solution qui devra intervenir au Rwanda.
Avant de vous proposer cette solution, je me permets d'attirer votre attention sur les anomalies politiques belges.
1.
La Belgique souhaite aider et nouer des relations diplomatiques avec un gouvernement gui représente 15% de la population. Les
prétendus représentants de l'opposition HUTU modérés, essentiellement Faustin TWAGIRAMUNGU, Alexis KANYARENGWE, BIRARA, NKUBITO,
sont également des anciens acteurs du régime HABYARIMANA qui ont été expulsés de leur ancien parti, région ou " collines respectives
Aujourd'hui, ils ne représentent plus " l'opposition " qui curieusement est majoritaire mais en exil.
2.
L'aide humanitaire, aussi louable qu'elle soit, est essentiellement une activité commerciale de quelques centaines
de personnes, qui n'ont aucun intérêt à contribuer à un règlement rapide au Rwanda.
Elle provoque de plus un état de dépendance de la population et confirme les structures mises en place par le nouveau pouvoir,
rappelons-le, largement minoritaire.
La sécurité du personnel des organisations humanitaires dépend essentiellement de la force militaire et donc de l'organisation de
cette sécurité par le nouveau pouvoir.
3.
La politique étrangère belge menée par l'ex- ministre Willy CLAES, après avoir contribué largement à la déstabilisation d'un
régime dit dictatorial, probablement dans un souci justifié de démocratisation pour tous les peuples, collabore à présent
ouvertement avec un nouveau régime essentiellement militaire, mais qui représente aujourd'hui la minorité de la population.
4.
Pour contrôler et vérifier cette erreur politique, il suffit de constater sur place l'immigration de tous les Tutsis des pays
voisins qui prennent la place et les biens des Hutus chassés de leurs propriétés.
Il s'agit d'une simple constatation !
5.
Le Ministre de l'Intérieur continue à refuser l'entrée en Belgique des responsables politiques du M.R.N.D et des représentants
de la majorité du peuple.
6.
Les Hutus qui étaient liés de loin ou de près à l'ancien gouvernement et le Président HABYARIMANA sont refusés systématiquement
comme candidat " refugié politique ".
Ceux qui critiquent l'ancien régime du Président HABYARIMNA, et qui n'ont donc plus de motif pour obtenir le statut de refugié
politique, sont admis.
L'administration belge du Ministère de l'Intérieur considère à priori tous les anciens du régime comme des criminels et se base sur
des informations et listes communiquées et préparées par le FPR.
En dehors de notre système juridique, qui, heureusement, permet de recourir contre de telles pratiques de l'administration, il n'y a
plus aucune raison pour un Hutu de respecter la politique menée par la BELGIQUE.
7.
Enfin, je veux ajouter à titre personnel, pour éviter tout malentendu, que je n'ai aucune ambition politique en Belgique, ni
intérêt particulier d'un retour au pouvoir des Hutus au Rwanda.
Constatant que je n'ai pas les moyens pour défendre utilement les personnes qui souhaitent faire appel à mes services, j'ai
d'ailleurs décidé d'arrêter toute tentative d'aider à trouver une solution au problème rwandais, aussi longtemps que les moyens
nécessaires ne sont pas mis à ma disposition.
Je ne peux qu'espérer que les quelques réflexions et solutions que je vous livre puissent vous guider pour mettre fin au malheur des
millions de rwandais qui vivent dans la misère totale.
Proposition :
1.
Le gouvernement belge doit forcer officiellement et publiquement, sans aucune nuance, le nouveau gouvernement de KIGALI à
octroyer au moins 50% des postes ministériels à des représentants politiques de la population en exil.
Toute relation diplomatique, aide financière ou logistique, doit dépendre de la réalisation de cette condition.
2.
Exiger une enquête internationale à KIGALI sur les auteurs de l'attentat sur l'avion présidentiel.
3.
Exiger le désarmement des militaires du FPR et la constitution d'une armée nouvelle composée des deux ethnies sous le contrôle
des Nations Unies et provisoirement sans armes lourdes.
4.
Exiger le déploiement d'une force internationale suffisante qui garantirait la sécurité de tous les citoyens rwandais et
étrangers (5.000 soldats suffisent largement).
5.
Exiger l'organisation d'un Tribunal International à KIGALI avec la participation des deux ethnies pour investiguer sur
les génocides et juger les coupables pour crimes contre l'humanité.
6.
Exiger un contrôle rigoureux temporaire sur la presse et radio locale pour réinstaurer la confiance entre la population.
7.
Exiger et être disposé à aider le Rwanda pour constituer rapidement :
- un cadre de juges professionnels et impartiaux qui appliquent les lois rwandaises
- un barreau d'avocats indépendants
- une administration modernisée
- des élections dans un délai de deux ans.
Je crois pouvoir vous garantir que les personnes qui ont fait appel à mes services sont :
1.
la famille de feu le Président HABYARIMANA à titre individuel
2.
l'Etat Major rwandais (Général BIZIMUNGU et le Colonel BAGOSORA)
3.
Le Ministre de la Justice du Gouvernement en exil, l'avocat Stanislas MBONAMPEKA au nom de son Gouvernement.
4.
L'ex-gouverneur de la Banque de KIGALI
5.
Mathieu NGIRUMPATSE, Président du M.R.N.D.
Ces personnes seront disposées à collaborer loyalement à toute initiative sérieuse qui permettra à la population en exil de
rentrer chez elle et de travailler à la réconciliation nationale.
Le sort de 4.000.000 personnes dépend de la volonté de quelques hommes responsables, qui se trouvent essentiellement en Belgique
pour des raisons historiques.
J'espère que ces quelques réflexions pourront vous intéresser et aider à trouver une solution.
J'adresse une copie de cette lettre à tous les parlementaires belges et les organisations internationales, afin que chacun
connaisse ses responsabilités.
Mes clients, interdits de séjour en Belgique, seront également avisés par fax de cette lettre.
Je crois pouvoir dire que j'ai pris mes responsabilités pendant les huit derniers mois, qui ont été déchirants sur le plan
humain, familial et professionnel.
Veuillez agréer, Messieurs les Ministres, l'expression de mes sentiments les plus respectueux.