Quelques documents importants relatifs aux facettes du génocide rwandais.
ENCORE QUATRE ANS DE TATONNEMENT ET D'AVENTURISME
Par Anastase MFURANZIMA (dans Forum Rwandais N° 3, Juillet 1999), Kigali.
Dans ce qui semble être un aveu d'un cuisant échec, le régime du FPR a rendu public le 08.06.1999. son intention de prolonger de
4 ans supplémentaires la période de transition. Un pari manqué puisqu'à son arrivée à Kigali en Juillet 1994, le FPR s'était donné 5
ans pour faire des miracles.
Au grand dam de ses plus ardents défenseurs, pendant cinq ans passés au pouvoir, e FPR a réalisé tout à fait le contraire des
principes qu'il a lui-même consignés dans son manifeste. II a privé aux citoyens les libertés les plus fondamentales, y compris
celle à la vie, aggravé l'insécurité, exporté sa tyrannie en RDC, créant ainsi un nouveau pôle de tension régional, fragilisé le
tissu social, conduit au désastre économique et vulgarisé la logique du fusil. Autant de maux qu'il était supposé éradiquer.
Pour légitimer ce nouveau coup de force, le communiqué du FPR brandit allègrement que cette prolongation a reçu l'accord des
" huit partis politiques du pays ". Il oublie que le tout premier acte de son règne a été d'interdire les activités de ces mêmes
partis auxquels il demande aujourd'hui la bénédiction de son fait accompli.
Le communiqué du FPR omet subtilement de préciser que le conclave des " partis politiques d'opposition " dont il est fait
allusion, a été dirigé par le secrétaire général du FPR, le Dr. Charles MULIGANDE, qui en est le porte parole. Quelle aberration !
Ces partis qui n'ont plus d'existence égale, dont les leaders légitimes sont en prison, ou en exil, ou n'ont plus le droit de
consulter leurs états généraux, voila qui ont légitimé la mise en scène du FPR.
Mais plutôt que de s'enguirlander d'imaginaires gloires et de se cacher derrière une déclaration laconique à l'agence REUTERS,
le FPR doit au peuple rwandais qu'il a abusé un bilan sans complaisance et si ce dernier est satisfait, il lui donnera un mandat.
Il doit expliquer pourquoi cinq ans après avoir gagné la guerre, Dieu sait au prix de combien de morts, il n'a toujours pas gagné
la paix. Ce dont le peuple rwandais, meurtri par 9 ans de guerre, a besoin, c'est une garantie que cette nouvelle transition ne sera
pas mise à profit pour s'enliser inexorablement dans des aventures militaires comme celle en RDC.
Ou si le FPR ne va pas simplement s'empêtrer dans des contradictions internes, le torchon en cours avec IBUKA, un syndicat de
délation n'étant à ce point qu'un arbre qui cache la forêt.
Pour qui connaît les méandres du régime du NRM de Yoweri MUSEVENI, dont le FFR n'est qu'un rejeton, le FPR aura toujours des
excuses de s'accrocher au pouvoir.
Le 04.06.1999, le régime du FPR a, comme le NRM en 1989, mis en place une commission pour la révision de la Constitution. Pour être
précis, parlons de rédaction, puisque le FPR a mis au rencart l'ancienne constitution de l'époque des accords d'Arusha et qu'il
gouverne selon sa seule humeur.
Le FPR fera piétiner les travaux de cette commission et, comme le NRM, après quatre ans il s'arrogera une autre période de
transition pour finaliser la nouvelle constitution. Comme le NRM, il organisera une mascarade électorale pour la mise en place
d'une assemblée constituante chargée de passer la nouvelle constitution. Ce n'est qu'alors et dans la plus optimiste des hypothèses,
que le FPR pensera à organiser des élections dune manière qui lui assure la victoire. II suffira comme le NRM de les truquer
d'avance.
Le FPR ne pourra cependant pas tablier indéfiniment sur l'indulgence de la communauté internationale qu'elle est coupable de
n'avoir pas pu arrêter le génocide, comme si c'était elle qui l' avait déclenché. Le peuple rwandais esseulé par tant d'années de
dures épreuves, finira par taper sur la table. Car l'aspiration à la liberté fait partie intégrante de la raison de vivre. Et qu'on
se le dise, on n'arrête pas la marche à la liberté.
Le FPR veut instaurer une église patriotique au Rwanda.
La nouvelle peut faire sourire la momie de Mao Tsé Toung dans son mausolée.
Dans sa dépêche du 15 Juin, l'agence missionnaire MISNA du Vatican, dont on connaît la méticulosité, a déclaré que le FFR voulait
balayer l'église catholique du Rwanda et ériger sur ses ruines une église patriotique selon le modèle chinois.
Le magazine New People qui a publié cette dépêche affirme non sans raison, que le FFR veut ainsi casser toute velléité de critique.
Car en effet, sous le régime du FFR, tout débat contradictoire est un crime de lèse majesté.
Qui se ressemblent s'assemblent. La tentation du FPR de calquer le modèle athéiste chinois s'inscrit dans sa lecture marxiste
de la Bible.
Le FPR ne s'affiche pas de peur de heurter la sensibilité de ses amis américains et britanniques, mais il puise son idéologie dans
un communisme primitif qu'il appelle " centralisme démocratique ". De telles idées foisonnent encore aujourd'hui dans un club
appelé " Panafrican Congress " où se côtoient les radicaux du FPR, du NRM de Yoweri MUSEVENI, du CCM de Julius NYERERE et de
l'ANC de Nelson MANDELA.
Cette nouvelle tombe dans la foulée de l'arrestation et internement de l'Evêque du diocèse catholique de GIKONGORO, Mgr MISAGO
Augustin, pour " crime de génocide ".
Les apologétiques du FPR justifient le malaise entre le FFR et l'église catholique dans l'incapacité de cette dernière à ne pas
avoir arrêté le génocide. C'est toujours facile de regarder la paille dans les yeux des autres, alors qu'on a une poutre dans les
siens. Mais une telle indulgence ignorerait l'histoire.
Le FPR, pas plus que ses aïeux de la monarchie, a toujours vu dans les valeurs morales de l'église catholique, une menace à sa
prétention de suprématie intellectuelle et militaire sur les hutu. II s'agit donc d'un animal à abattre et le génocide n'est
qu'un tremplin.
L'église catholique paie pour avoir lâché dès les années cinquante, les tutsi monarchistes et aidé à l'émancipation hutu. Il ne
suffit qu'à lire attentivement ce que le FPR reproche à l'Evêque suisse André Perraudin qui fût l'artisan de cette émancipation.
En dépit de son irrégularité, l'arrestation de Mgr MISAGO Augustin n'a eu droit qu'à la condamnation du Vatican et de la
Conférence Episcopale du Burundi. Cette dernière a même refusé en signe de protestation, de rencontrer le président BIZIMUNGU.
Que lui reproche le FPR?
Mgr Misago Augustin qui avait déjà comparu le 11.02.1998 devant la chambre spéciale du Tribunal de première instance de GIKONGORO
qui n'avait retenu rien contre lui, a été arrêté sur ordre du président BIZIMUNGU sur pression d'IBUKA.
Il est accusé de complicité dans la mort des déplacés Tutsi de MURAMBI ainsi que celle de trois prêtres Tutsi de son diocèse arrêtés
à l'évêché et morts en détention.
II n'est nulle part accusé d'avoir commandité ou exécuté un quelconque crime précis et il avait déjà répondu à toutes ses
accusations devant le Tribunal de première instance qui l'avait laissé en liberté.
La réponse à son interpellation se trouve plutôt dans la déclaration de BIZIMUNGU qui avait demandé non sa condamnation par les
tribunaux mais son bannissement en dehors du Rwanda. Ce à quoi le nouvel évêque de BUTARE, Mgr RUKAMBA Philippe, avait répondu
sèchement, que personne n'a le droit de bannir d'autre du Rwanda. L'intention est donc de se défaire de la vieille garde de la
hiérarchie catholique et de la remplacer par des prélats voués à sa cause.
Le camp de déplacés de MURAMBI avait été érigé par les autorités préfectorales de GIKONGORO en l'absence de Mgr Misago qui était
bloqué à Kigali. Les autorités préfectorales avaient ordonné de canaliser tous les déplacés à cet endroit pour mieux les protéger et
s'il y a eu des dégâts lors du repli, ils auraient été beaucoup plus catastrophiques si les déplacés Tutsi étaient restés éparpillés.
Mgr MISAGO serait coupable d'avoir dit aux déplacés qui affluaient vers l'évêché, d'aller à MURAMBI où les autorités préfectorales
avaient garanti la sécurité. Ceux qui l'accusent de n'avoir pas ouvert l'évêché aux fugitifs, oublient trop vite que des gens ont
été massacrés dans des églises et que Misago n'avait pas de forces de l'ordre pour assurer la sécurité à l'évêché. D'ailleurs,
l'arrestation à l'évêché même des trois prêtres qui constituent son deuxième chef d'accusation prouve que Mgr MISAGO était
impuissant devant la fureur populaire.
S'agissant de ces trois prêtres précisément, ils auraient été arrêtés par la gendarmerie deGIKONGORO, le commandant de groupement
lui-même, muni d'un mandat d'arrêt délivré par le parquet de GIKONGORO. Qu'aurait fait Mgr Misago dans ce cas?
Quel évêque peut aujourd'hui s'opposer à l'arrestation par l'APR d'un de ses prêtres même sans mandat d'arrêt ? N'a-t-on pas vu
les agents du FPR arrêter même des gens dans les enceintes du PNUD à KIGALI ? Ou même piquer à l'Hôtel des Milles Collines
Dr. BICAMUMPAKA Martin, membre d'une délégation internationale de la FAO en mission au Rwanda, qui périra en prison ? Comment
Mgr MISAGO aurait-il eu le culot de s'opposer à une arrestation en bonne et due forme et qui diable aurait pressenti que ces
prêtres allaient mourir en détention ?
Pour des inconditionnels du régime, l'arrestation d'un Evêque catholique, la 1ère dans l'histoire du Rwanda, est dans la normale
des choses. En témoigne une lettre ouverte adressée par 35 pseudointellectuels de I'UNR aux Evêques catholiques du Rwanda à la suite
d'un appel de ces derniers pour une prière à l'intention de Mgr MISAGO. J'y reviendrai.
Sil est vrai que l'Eglise catholique a perdu des prêtres pendant le génocide, continuez par la page 5 en annexe.
On ne peut pas en tout état de cause affirmer que cette église n'a jamais été aussi martyrisée au Rwanda que sous le FPR.
Sans devoir tomber nécessairement dans un révisionnisme ridicule, ii est un fait que les prêtres tués pendant le génocide à Remera
et à Gisenyi entre autre l'ont été dans un contexte de guerre, de vacance de pouvoir et de délinquance politique. Or, aujourd'hui on
nous dit qu'il y a un gouvernement. Jamais le gouvernement, même de Jean Kambanda n'a attaqué de plein front cette institution.
Des excuses à la revendication.
Qui ne se rappelle pas des larmes de crocodiles versées par la direction du FFR lorsque le major NZIZA et ses hommes de 'APR abattirent 4 Evêques Hutu à GAKURAZO en Mai 1994? Une délégation a même été envoyée auprès du Pape pour présenter les condoléances du FPR.
On sait aujourd'hui que l'assassinat des 4 Evêques faisait partie d'un plan d'épuration ethnique de la hiérarchie catholique, longtemps considérée comme une force ennemie, comme en témoigne un document interne du FPR rédigé en 1993.
D'ailleurs, l'assassinat de ces Evêques, dont le primat de l'église catholique rwandaise et Archevêque de Kigali, Mgr NSENGIYUMVA faisait suite à une virulente attaque contre lui dans une interview du major KAGAME au journal ougandais "Uganda Confidential ". Une préparation psychologique qui est apparue une semaine seulement avant l'assassinat de HABYARIMANA par le FPR.
Dès l'entrée à Kigali du FPR, ce dernier ne cachait plus que l'assassinat des 4 Evêques était un acte héroïque, bien prémédité.
Au moment où les victimes Tutsi étaient inhumées dans l'honneur, le FPR a même refusé que l'Eglise catholique fasse de même et
accorde une digne sépulture à ses Evêques qu'il avait assassinés.
Lors de l'assassinat en 1995 au marteau, marque déposée du FPR, de l'abbé canadien Claude SIMARD accusé d'avoir envoyé au Canada
des cassettes vidéo sur les tueries du FFR à son entrée à BUTARE, le FPR s'est excusé auprès du gouvernement canadien et promis une
enquête. Aujourd'hui, les suspects, un prêtre et un militaire de l'APR détaché à l'administration préfectorale de BUTARE au moment
du meurtre mènent une vie paisible.
L'assassinat en plein service liturgique d'un autre prêtre canadien, le père Guy PINARD de la paroisse de KAMPANGA, a suivi le même
scénario. Le suspect, qui avait été identifié par les fidèles qui assistaient à la messe, a été brièvement détenu avant d'être élargi
sans explication.
Dans ces conditions il a failli de peu pour que e FPR ne s'excuse lors des massacres de prêtres Hutu en avril 1994 à RWESERO, à
BYUMBA et à RUTONGO
L'indignation suscitée dans les rangs du FPR à la suite de l'appel des Evêques catholiques rwandais pour une prière à l'intention
de Mgr Misago qui croupit à la prison de Kigali, cache mal une volonté farouche d'en découdre avec l'église catholique, dernière
force morale en face du FPR, après l'expulsion des ONG trop bavardes en 1996 et celle des observateurs onusiens des droits de
l'homme au cours de la même période.
Des activités du FPR se cachant derrière le sobriquet d'intellectuels de I'UNR (on sait qui y fait la loi), ont qualifié cet
appel à la prière qui cadre parfaitement avec la mission de l'église catholique, de " mépris des rescapés, de manque de respect
aux disparus et au droit, ainsi que d'hypocrisie ". Leur lettre a reçu la plus grande couverture médiatique même dans les média
officiels.
Ces blasphémistes pour citer la rédaction du journal KINYAMATEKA de Mai 1999, qui donnent une leçon biblique à la Conférence
Episcopale rappellent étrangement la réaction du président BIZIMUNGU qui avait affirmé en 1996 du haut de la tribune que le Pape
n'avait rien à lui apprendre en matière de la Bible. Il réagissait à l'appel pontifical lancé à Nairobi lors de la clôture du
synode africain, pour un pardon et une réconciliation au Rwanda.
En parfait machiavélique, le FPR a toujours su manipuler la peur et la culpabilisation pour assagir d'éventuelles critiques. Par
la peur et la culpabilisation, il a réussi à intimider des grands pays comme la France. Par la culpabilisation, il a obtenu le
silence de la communauté internationale face à ses abominables forfaits.
Des éléments des ex-FAR m'ont raconté comment lors du maquis le FPR coupait les têtes des soldats des FAR tombés en ses mains et les
mettait à cuire, pour faire croire aux FAR qui passeraient qu'ils ont à faire à des redoutables saprophages. Encore l'exploitation
de la peur.
Par la peur, la culpabilisation et l'intimidation, le FFR veut dompter l'Eglise catholique après s'être assuré le contrôle des
Eglises protestantes. La minorité musulmane quant à elle n'avait opposé aucune résistance au charme hypnotisant du FFR et avait
rallié ses rangs à la 1ère heure.
S'il est vrai que le calvaire risque de laisser des séquelles à l'Eglise catholique, je parie quelle survivra. Car, comme pour
paraphraser le journal KINYAMATEKA, son défenseur est plus fort que le FPR. Et que ceux qui se disent intellectuels pour donner
des leçons aux Evêques sachent que quel que soit leur bagage académique, " une science sans conscience n'est que ruine de l'âme ".
L'abbé Augustin Misago, encore Recteur du Grand Séminaire de Nyakibanda, avait été retenu comme membre de la
Commission nationale de Synthèse, qui devait travailler sur la nouvelle orientation de la politique rwandaise.