Et, autant que possible, avec d'autres, je n'ai pas manqué de vous manifester mon désir de participer à ma place à la réalisation de ce qui me paraissait faire l'objet de votre conviction, à savoir: mettre tout en œuvre pour promouvoir le bonheur du peuple rwandais. Vous étiez d'autant plus crédible que, étant Ministre, vous étiez de ceux qui, à l'avènement de la IIème République, ont proclamé leur détermination de faire vivre les populations de ce pays, votre pays, dans une ère de paix, facteur de prospérité et d'épanouissement. En ces temps-là, vous étiez contre tout ce qui pouvait être cause de troubles et de souffrance pour le Rwanda.

A l'heure actuelle toutefois, vous vous êtes fait le collaborateur de ceux-là même que vous condamniez jadis ! Tous ceux qui vous ont connu, comme moi, ne comprennent aucunement votre comportement actuel à l'égard de ce peuple, à la défense duquel vous participiez autrefois si activement. Ce peuple, que vous prétendiez servir, et qui vous a cru tant que vous faisiez partie de ses gouvernants, que vous prétendiez mener plus loin et plus haut dans le développement intégral, est actuellement la victime d'agressions armées dirigées ou commandées par vous même ou par vos collaborateurs. Vos armes, particulièrement celles à longue portée, installées sur le territoire ougandais proche de notre frontière, visent à détruire la ville de Ruhengeri, tuent des civils, hommes, femmes et enfants, détruisent bétail, cultures, maisons de cette population simple et laborieuse pour laquelle vous saviez montrer respect et pitié quand vous l'approchiez. Et vous-même - sans être régionaliste- avez-vous oublié que vous êtes originaire de cette même région persécutée actuellement? Que vous ont-ils fait, ces pauvres gens, pour que vous vous révéliez leur ennemi? Et moi, que vous ai-je fait? Que vous a fait Monseigneur Phocas NIKWIGIZE, Evêque de Ruhengeri, pour que vous nous fassiez envahir, et 1'Evêché le 23 janvier dernier, fouillés, interrogés, traités comme des malfaiteurs, par vos troupes (commandées par les cadres ougandais), armes pointées sur nous, le doigt sur la gâchette?

Sont-cela des agissements visant la "libération", le développement intégral de votre peuple, de ses amis? Je n'y comprends plus rien, Colonel KANYARENGWE, vraiment rien. Vous êtes-vous laissé abuser à ce point ? Vous-êtes vous laissé berner par des mensonges, de fausses promesses? Votre intelligence et votre bon sens doivent vous montrer que le chemin que vous avez pris ne mène qu'à la destruction, ne mène qu'à la mort. Quel mauvais esprit vous pousse à agir de la sorte?

Pour ma part, je dénonce énergiquement ces agissements inhumains, sans exception. Je les condamne vivement au nom de la sympathie qui caractérisa nos relations passées, au nom de la justice, au nom de l'Evangile de Jésus-Christ dont je suis le serviteur dans votre pays.

Veuillez croire, Monsieur, à l'expression de ma considération distinguée.

Père Franz MAURER
Evêché Ruhengeri
B.P 45
RUHENGERI- RWANDA