Quelques documents importants relatifs aux facettes du génocide rwandais.
Et si le FPR se " moquait du génocide "
(Par Chris NZABANDORA dans Forum Rwandais N° 3, Juillet 1999)
Telle est en tout cas l'affirmation de l'association lBUKA, émanation même du FPR.
Depuis le début du mois de mai dernier, ce qui était une révolte silencieuse de palais dans le chef du FPR a éclaté au grand jour, avec la guerre de nerfs à laquelle se livre le secrétariat du FPR et l'association IBUKA. Il ne s'agit pas d'un coup médiatique, destiné à accréditer la thèse de l' émergence d'une aile modeste du FPR, cette passe d'armes a au moins le mérite de reconnaître les dégâts causés par IBUKA qui, plutôt que de se consacrer à la défense des intérêts des rescapés du génocide, s'est confondue avec un syndicat de délation qui veut institutionnaliser un génocide judiciaire.
A en croire les révélations du journal UKULI la goutte qui a fait déborder le vase est tombée avec la récente purge à ce qui fait
l'office de parlement.
En préfecture de CYANGUGU le FPR avait nommé Mr Elysée BISENGIMANA, un hutu de la confrérie des peureux pour siéger au parlement.
La candidature a aussitôt été récusée par la branche locale de l'association IBUKA pour laquelle un Hutu ne peut être bon que quand
il est mort ou en prison. L'adage a sans doute été héritée de l'ancien dictateur ougandais Paulo Mwanga qui répétait à tout bout de
champs qu'un bon Muganda est celui qui est mort.
Pour IBUKA, coopter des Hutu dans l'administration du FPR est une bavure, parce que, et je cite le professeur Kimenyi Alexandre,
grand penseur de l'idéologie IBUKA, " Uwoza inda y'umwanzi amara imonyi " (on ne peut pas satisfaire un ennemi).
Afin de pousser la direction du FPR au mur l'association IBUKA échafauda de toute pièce un dossier criminel à charge du candidat
député Elysée BISENGIMANA, art dans lequel elle est passée maître depuis sa création. Et ce n'est pas n'importe quel crime,
BISENGIMANA fut accusé au parquet de Cyangugu et à la gendarmerie de génocide.
Devant le refus du FPR de reconsidérer la candidature du hutu BISENGIMANA, IBUKA sortit de son étui de conditions une nouvelle
carte. Elle accusa le FPR de révisionnisme (gupfobya génocide), ce qui agaça ce dernier qui puise comme on le sait, sa légitimité
dans ce génocide.
Dans un mouvement de colère, le FPR griffonna le 10 Mai 1999 un communiqué de presse dans lequel il fustige (point 8) ceux qui
utilisent le génocide comme un instrument pour dénier à certains rwandais (Abahutu) d'être appréciés dans leurs services et leur
conduite et d'être promus (umuryango FPR ubabajwe kandi wamaganye iyo mikoreshereze y'itsembabwoko aho hari abasigaye baribonamo
igikoresho cyo kubuza bamwe mu banyarwanda (Abahutu), kuba bashimwa mu mirimo no mu myifatire yabo ngo babe bazamurwa mu ntera).
Et de demander au gouvernement de punir de façon exemplaire toute personne coupable de délation (FPR irasaba guvernoma ko
yajya ihana by'intangarugero umuntu wese wafatwa n'icyaha cyo kubeshyera undi ko yakoze itsembabwoko).
Un tel délateur serait inculpé de tentative de meurtre, poursuit le communiqué parce qu'il aurait conspiré pour la condamnation à
mort dune autre personne. (Kubera ko bene uwo muntu aba yifuza urupfu rw'undi muntu aba akwiye gufatwa nk'umuntu washatse kwica
undi akabihanirwa atyo). Pour enfoncer le dernier clou dans le cercueil d'IBUKA, le secrétaire général du FPR martela que ceux
qui se moquent du génocide sont ceux-Ià même qui utilisent la délation à des fins criminelles, une allusion aux activistes d'IBUKA
(abapfobya itsembabwoko ni abarikoresha mu binyoma bigamije kugira nabi gusa).
Cette position du FFR a suscité de vives inquiétudes dans la direction d'IBUKA. Son président, l'avocat Félicien MUTALIKANWA, qui
a fait fortune sous le régime diabolisé de Habyarimana, n'a pas caché que ce communiqué du FPR expose les membres d'IBUKA comme de
piètres délateurs (... muri rusange ili tangazo risa n'irigaragaza ko abayoboke ba IBUKA ari abashinja binyoma).
Le 07/06/1999, le Ministre de la Justice (de l'injustice) a aussi dénoncé les syndicats d'accusateurs mensongers sans souffler
mot sur leur identité qui pend comme une épée de Damoclès sur les têtes de tous les hutus et a été encouragé et entretenu par le
régime du FPR.
D'ailleurs, le 21/05/1999, dix jours seulement après le communiqué du secrétariat du FPR, l'Association Solidarité Kibuye, un petit
fils de l'association IBUKA, s'est moquée de ce communiqué en condamnant fermement, par la bouche de son président, l'ex-préfet de
cette préfecture, KABERA Asiel, la libération des prévenus sans dossiers. Pourtant, la décision a été déjà prise en conseil du
gouvernement il y a longtemps.
Dans la foulée de ce communiqué le FPR avait cédé aux pressions de cette association et autorisé le jugement en tribunal populaire (GACACA),
d'un ex sous-préfet de Kibuye que les tribunaux réguliers avaient acquitté, une façon de souffler le chaud et le froid.
Si cette mise au point du FPR a le mérite de stigmatiser un cancer qui gangrène le régime à savoir la délation, elle ne suscite
pas moins d'interrogations sur sa portée et son opportunité.
Comme l'a bien souligné dans sa lettre au secrétaire général du FPR du 10 juin 1999,
Léonidas, un des rares membres des ex-FAR qui avaient offert leur coopération au FPR mais qui a été abusé par la suite, la 1ère
question qui vient à l'esprit...
Non seulement le FPR a attendu si longtemps pour se démarquer publiquement, fût-ce même en apparence, des activités d'IBUKA,
mais encore il a sorti ses griffes parce qu'un de ses pions, de ses candidats députés se trouvait au banc des accusés.
II n'est pas exclu aussi que cette attaque du FFR contre IBUKA, oh combien médiatisée, soit destinée à la consommation publique,
pour apaiser certains milieux à l'approche d'une mascarade électorale qui se profile à l'horizon. Car derrière IBUKA se cachent des
forces occultes qui puisent leur inspiration dans l'idéologie même du FPR et leurs fonds dans ses caisses noires.
En effet, pour encore citer le général de brigade RUSATIRA, ce ne sont pas ces fanatiques d'IBUKA qui tuent....
II est certes vrai que l'association IBUKA incarne une partie du mal rwandais, mais il est tout aussi vrai que ce mal est
l'amalgame, la globalisation du crime de génocide.
Etant donné donc le fossé entre le verbe du FPR et ses actes, une autre interrogation que ne manque pas de susciter un rappel à
l'ordre adressé à IBUKA, est de savoir s'il ne s'agit pas d'un autre feu de paille.
En effet, sil serait une dangereuse gageure de prétendre qu'il n'y a pas de véritables criminels parmi les 200.000 ou plus de
prévenus qui croupissent dans les prisons mouroirs du Rwanda depuis cinq ans et sans inculpation, on peut affirmer avec une
confortable dose de certitude que parmi eux se trouvent des milliers d'innocents, victimes de la délation des activistes d'IBUKA et
ses tentacules. Rien qu'à la prison de NTSINDA on a identifié récemment 148 détenus sans dossiers.
A plusieurs occasions, le FPR a reconnu qu'il y a effectivement en prison des prévenus sans dossiers, ce à quoi IBUKA répondait
invariablement que ce n'est pas parce qu'on na pas de dossier, qu'on n'est pas coupable. Drôle de procédure judiciaire !
Des prévenus libérés ont été ainsi lynchés par les activistes d'IBUKA dans la plus totale impunité, ce qui a poussé certains
innocents à réclamer la prison pour échapper à la vendetta Tutsi.
Si donc le FFR veut sévir contre la délation comme le dit le communiqué qu'il libère ces gens détenus sans dossiers. Ils seraient
remplacés en prison par ceux-là même qui les ont calomniés. Du coup, la délation cesserait d'être une activité lucrative.